Autriche - L'abbaye d'Heiligenkreuz

Les monuments historiques ne manquent pas en Autriche, où châteaux et autres abbayes sont légion. Ce sont des visites que j'affectionne tout particulièrement car, en plus souvent de découvrir des lieux très bien préservés, c'est l'occasion d'un double cours d'histoire, sur l'endroit mais également sur son pays. Et forcément, depuis que j'habite à l'étranger, j'ai des lacunes à combler ! Autour de Vienne, dans un rayon d'une heure de transport, de tels lieux à visiter ne manquent pas, l'idéal pour une excursion d'une demi-journée. En ce dimanche d'hiver, frais mais ensoleillé, j'avais jeté mon dévolu sur l'abbaye d'Heiligenkreuz, au beau milieu du Wienerwald. Sa particularité ? Elle est l'une des plus vieilles abbayes cisterciennes : les offices y sont célébrés sans interruption depuis sa fondation, au XIIe siècle.

   

L'abbaye se situe au cœur du Wienerwald, la forêt viennoise, à vingt-cinq kilomètres au sud-ouest de Vienne. Elle fut fondée en 1133 par Leopold III (à qui l'on doit également l'abbaye augustinienne de Klosterneuburg, au nord de Vienne), fondateur de Vienne et saint patron de l'Autriche, à la demande de son fils, Otton de Freising (futur abbé de Morimond, Haute-Marne, et l'un des historiens du Moyen Âge les plus célèbres). Celui-ci, envoyé à Paris pour parfaire son éducation, rentra dans les ordres cisterciens et demanda à son père de faire édifier un monastère semblable à celui de Morimond mais en Basse-Autriche.

L'intérieur de l'abbaye ne se découvre que lors de visites guidées mais il est possible de déambuler dans la cour librement. On peut ainsi admirer la façade de l'église, l'une des parties les plus anciennes, de style roman, terminée au XIIe siècle. Dans la cour s'élèvent également une colonne célébrant la Sainte-Trinité  ainsi qu'une fontaine, la fontaine Saint-Joseph, décorée de scènes de la Bible. Ces deux éléments sont dus à Giovanni Giuliani, un artiste vénitien qui participa à la redécoration de l'abbaye durant l'époque baroque. Il est également possible de rentrer dans l'église mais on accès juste au fond : on peut admirer la nef et la hauteur des voûtes mais le plus intéressant, vers le chœur, est également inaccessible sans billet d'entrée.

En attendant que la visite guidée commence, je suis allée me promener dans les environs, mais il faut bien l'avouer : à part l'abbaye, il n'y a rien d'autre à faire ou à voir à Heiligenkreuz, et encore moins en plein milieu de l'hiver ! En arrivant en bus, néanmoins, j'avais été attirée par le chemin de croix juste à l'extérieur, où alternent chapelles et statues. J'ai préféré ne pas l'emprunter vu les conditions météo (et je pense avoir bien fait, ayant été témoin de la descente fort hasardeuse d'un promeneur, heureusement sans chute !), me contentant de longer la route goudronnée, jusqu'au point de départ. Mais la balade doit y être agréable quand le temps s'y prête, car le chemin est un peu en hauteur, et il y a fort à parier que l'on peut ainsi admirer les alentours !

Mais trêve de bavardage et passons enfin au cœur du sujet : la visite de l'abbaye. Les visites guidées se tiennent plusieurs fois par jour, à l'heure pile. Elles durent environ une heure et se déroulent en allemand : mais pas d'inquiétude, on vous délivrera une feuille dans votre langue, contenant les informations principales sur chaque pièce que l'on traverse. Et tant pis si l'on ne comprend pas les petites anecdotes délivrées par le ou la guide, il serait dommage de passer à côté de la visite.

   

L'une des parties qui m'a le plus fascinée est le cloître. Construit au XIIIe siècle, à la charnière entre le style roman et gothique, il présente d'ailleurs des éléments relevant des deux genres architecturaux. Mais le plus remarquable se situe au niveau de l'aile où se déroulait chaque soir la lecture d'un chapitre de la règle de saint Benoît : ici on peut admirer des vitraux d'origine, remontant à l'édification du cloître. Des vitraux très simples, dans les tons de gris.

Tout autour du cloître se trouvent des pièces importantes de la vie quotidienne des moines, comme la salle du chapitre, avec ses peintures baroques mais surtout sa rosace datant du XIXe siècle : elle fut présentée à l'Exposition universelle de Paris en 1889, où elle remporta le premier prix. N'est-elle pas absolument magnifique ?

Changement d'ambiance avec la chapelle funéraire et ses statues macabres, que l'on doit à nouveau à Giuliani : au décès d'un moine, son corps est amené ici et veillé pendant 24 h. Autrefois, cette pièce était la seule où les moines étaient autorisés à parler, avant que l'obligation de silence soit uniquement limitée à la nuit.

Autre salle remarquable, avec cette fontaine du XVIe siècle, édifiée à Rome. Parmi les vitraux de cette pièce circulaire, un seul est toujours d'origine (XIIIe siècle).

Autrefois la salle où les moines travaillaient. Des fragments de peintures du XIIIe siècle ont été découverts, encore une fois des peintures très sobres, en rouge et blanc.

Une autre salle absolument splendide (dommage que l'on ne puisse pas y rester autant de temps qu'on le souhaite), la sacristie, avec son décor baroque fait de fresques et de stucs blancs sur fond rose. Elle date du XVIIIe siècle. Elle contient notamment des cabinets en marqueterie qui ont requis vingt années de travail et vingt essences de bois différentes.

   

La visite se conclut par l'église, avec ses belles proportions et son mélange de genres architecturaux. Façade romane, nef gothique, autel néogothique, orgue datant du XIXe siècle (dont je n'ai pas une seule photo nette, il faisait si sombre... Tellement dommage, il est vraiment magnifique et l'un des plus grands d'Autriche, avec ses 3 700 tuyaux)... Elle témoigne des étapes successives de construction, au fil des siècles et des modes. L'atmosphère solennelle est renforcée par le petit nombre de visiteurs. Au final, je n'aurais qu'un bémol à apporter à cette visite : elle est assez rapide et on n'a malheureusement pas trop le temps de rester à profiter de chaque pièce qui nous est présentée. Et encore, dispensée d'écouter les explications du guide, je pouvais un peu plus librement admirer les détails ici et là, mais même ainsi, j'aurais aimé avoir un peu plus de temps pour mieux apprécier chaque salle.

Autre travail que l'on doit à Giuliani, les stalles au niveau du chœur. La finesse des sculptures... !

Je conclus l'article en musique : il se trouve que la congrégation d'Heiligenkreuz pratique le chant grégorien (vous aurez peut-être d'ailleurs l'occasion d'entendre les moines durant votre visite, les offices sont célébrés de cette manière cinq fois par jour). Je ne résiste donc pas au plaisir d'en insérer ici un extrait :

Pour prolonger la visite, pourquoi ne pas vous arrêter à la Gasthof sur place ? Située là où se trouvait dès le XIIe siècle un hôpital, l'auberge propose des spécialités autrichiennes à des prix vraiment intéressants : j'y ai d'ailleurs mangé le dessert le plus énorme de toute ma vie (le Kloster-Cremeschnitte), tellement copieux que c'est l'une des rares fois où je n'ai même pas réussi à terminer... L'été, les tables prennent d'assaut la terrasse à l'extérieur, pour profiter de la tranquillité du site.

   

Malheureusement l'abbaye n'est pas très facile d'accès sans voiture (comptez une heure de trajet depuis le centre de Vienne, et il y a souvent qu'un seul bus par heure) : mais cela reste un monument exceptionnel et si jamais vous passez dans le coin, vous ne serez pas déçus. (Et sinon j'espère que la visite à travers mes photos vous a été agréable !)

Abbaye d'Heiligenkreuz
2532 Heiligenkreuz im Wienerwald
Entrée : 9 €
Accès : bus 365 depuis Wien Mödling (accessible en S-Bahn) ou bus 459 depuis Baden.

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