La tour Philippe le Bel, malheureusement fermée en hiver.
Après la journée du samedi passée en Avignon, j'ai franchi le Rhône le dimanche pour visiter la ville voisine, Villeneuve-lès-Avignon. J'ai longuement hésité à y aller, bon nombre de monuments étant fermés à cette période de l'année. Mais finalement le beau ciel bleu m'a convaincue de rester encore un peu dans la région, d'autant que le pass culture d'Avignon y fonctionne aussi. Résultat, avant de rentrer, j'ai visité deux monuments qui valent absolument le détour.
On commence avec le fort Saint-André, immanquable depuis l'autre rive du Rhône, tellement cette construction est imposante, en haut du mont Andaon. Occupé depuis le Xe siècle par un bourg et une abbaye, il verra s'ériger les impressionnantes fortifications au XIIIe siècle, sous le règne de Jean II le Bon, en réponse au rayonnement toujours croissant de la nouvelle cité pontificale de l'autre côté du fleuve : Avignon.
Si les deux tours jumelles permettant l'accès au fort témoignent de son glorieux passé, malheureusement, une fois l'enceinte franchie, tout n'est que ruines : une poignée de bâtiments, à l'entrée notamment, ont résisté au passage du temps, ainsi que la petite chapelle Notre-Dame-de-Belvézet. Difficile de se rendre compte de l'agencement que pouvait avoir le bourg, désormais envahi par la végétation. Même constat à l'intérieur des tours, où quelques salles sont accessibles : seuls des graffitis laissés par les occupants de la place forte il y a plusieurs siècles habillent les murs nus. Néanmoins, loin d'être inintéressante, la visite permet d'appréhender l'agencement de ce genre de bâtiment militaire.
L'un des points forts du lieu, outre se replonger dans une période agitée de l'histoire de France, c'est bien évidemment les points de vue uniques qu'il offre : sur Avignon et son Palais des Papes, pour commencer, mais également sur Villeneuve-lès-Avignon et sur la Provence, jusqu'au mont Ventoux par temps dégagé ! Un sacré panorama s'étale sous nos yeux : on comprend mieux l'importance toute stratégique de cette colline.
Mais ce parcours ne permet de circuler que dans une toute petite portion du domaine qu'encercle le fort. Si vous avez l'occasion de venir à la bonne saison (c'est-à-dire de mars à octobre), ne manquez pas de visiter l'abbaye Saint-André et ses superbes jardins, situés à l'est du complexe. On peut en avoir un aperçu furtif depuis le haut des deux tours du châtelet d'entrée.
À gauche, une croix de templiers ; à droite, un jeu gravé à même le sol.
Difficile d'oublier que l'histoire de Villeneuve-lès-Avignon est intiment liée à celle d'Avignon. Située de l'autre côté du Rhône, et donc rattachée au Royaume de France, elle fut édifiée pour concurrencer sa rivale à la fin du XIIe siècle, par Philippe le Bel. Mais malgré ce climat de méfiance, la ville devint lieu de villégiature des papes avignonnais au XIVe siècle et, une fois la Provence rattachée à la France, le fort perdit son rôle stratégique. Il ne faut donc pas s'étonner qu'à côté de cette impressionnante construction militaire, censée défier le pouvoir pontifical, s'élève... la Chartreuse de Val-de-Bénédiction, construite sur ordre du pape Innocent VI au milieu du XIVe siècle. Deux édifices qui rappellent du rapport de force qui s'exerçait sur un si petit territoire.
La Chartreuse du Val-de-Bénédiction est la plus grande (en superficie) de France. Son édification débuta au XIVe siècle, à partir de l'hôtel particulier du cardinal Étienne Aubert lorsque celui-ci en fit don à l'ordre des Chartreux après son élection en tant que pape. Mais le monastère n'est pas sorti de terre en une seule fois : plusieurs étapes successives furent nécessaires pour donner au complexe sa disposition et ses dimensions actuelles. Ce n'est qu'au XVIIe siècle qu'il atteindra sa taille définitive et connaîtra son apogée.
La visite nous fait découvrir successivement l'église, les trois cloîtres, les cellules des pères chartreux... Une salle multimédia, au début du parcours, permet de retracer la chronologie de la construction de la Chartreuse ainsi que de s'imaginer à quoi pouvait ressembler l'église, avec ses tableaux de maîtres, bien loin de l'image de dénuement que l'on pourrait attendre d'une telle congrégation. En effet, comme tant d'autres édifices religieux, le monastère a beaucoup souffert de la Révolution française, lorsque les ordres furent interdits et que les pères chartreux durent abandonner le complexe. Pillé, vendu par lot, il subit de graves dommages et il faudra attendre des temps moins troubles, au XIXe siècle, pour que la restauration et la sauvegarde du bâtiment se mettent en place.
Le jardin des simples, un des nombreux jardins de la Chartreuse.
La visite est assez longue, notamment parce que l'on traverse un grand nombre de pièces. Pas d'audioguide, pas de plaquette à trimbaler avec soi mais de nombreux panneaux explicatifs, sur l'architecture du lieu comme sur l'ordre des Chartreux, à découvrir tout au long du parcours. En plus de ceux situés dans l'église, des écrans interactifs sont disposés juste en dehors de la chapelle qui garde encore traces des superbes fresques de Matteo Giovannetti, à qui l'on doit celles du Palais des Papes.
Un aperçu des fameuses fresques !
Depuis 1973, la Chartreuse abrite le CIRCA, un projet culturel ambitieux qui se traduit notamment par des résidences d'artistes mais également de nombreux événements comme des expositions, des spectacles, des conférences... en lien avec le spectacle vivant et le théâtre. Le dernier cloître, le cloître Saint-Jean, abrite également un restaurant, ouvert uniquement l'été.
58 rue de la République
30400 Villeneuve-lès-Avignon
Avant de repartir, ne manquez pas de faire un tour au Moulin de la Chartreuse. Construit au XIVe siècle, en même temps que la Chartreuse, ce moulin est en activité depuis 650 ans, ce qui en fait l'un des plus vieux de France. Les techniques ont bien sûr évolué depuis mais la passion est toujours là : n'hésitez pas d'ailleurs à demander des explications sur la fabrication de l'huile d'olive aux propriétaires, ils y répondront avec beaucoup de plaisir. Plusieurs huiles y sont pressées (dont une aux herbes de Provence, original et savoureux), qu'il est possible de découvrir lors d'une séance de dégustation. D'autres produits d'épicerie fine sont également en vente et il est même possible de déjeuner sur place : un bistrot est attenant au moulin.
72bis rue de la République
30400 Villenneuve-lès-Avignon
J'étais justement hier à Avignon, alors Villeneuve-les-Avignon devait être notre prochaine escapade dominicale, mais puisque la tour est fermée en hiver, on va peut-être attendre les beaux jours...
RépondreSupprimerC'est sur que tant qu'à faire, autant tout voir d'un coup !
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